La structure en 4 actes : la solution?
La structure qui tire avantage de la structure en 2 & 3 actes, et plus encore ! I’m here
Introduction
En Occident, la structure en 4 actes, si elle est généralement peu employée, existe déjà depuis un moment, comme en atteste le théâtre du début du 20ième siècle avec, par exemple, Arsène Lupin. Elle s’est ensuite naturellement développée au cinéma à travers de nombreux films encore bien connus de nos jours comme Casablanca, Vertigo, Orange mécanique, Rocky et même Indiana Jones et les Aventuriers l’arche perdue. Pour celles et ceux qui se poseraient la question, cette structure n’est pas non plus inconnue de la littérature : on peut notamment prendre la trilogie Hunger Games en exemple.
Pourtant, cette structure est peu connue du grand public, et on en parle relativement peu dans les cercles d’écrivains ou de scénaristes en herbe. Et ce, même si, comme nous allons le voir, elle offre beaucoup d’avantages et peut se décliner de multiples façons.
1. La structure en 4 actes et ses rapports avec l’Asie
Si on quitte le cadre occidental, on se rend compte que la structure en 4 actes a une utilisation toujours importante en Asie et possède une histoire beaucoup plus ancienne. Datant de la fin du 13ème siècle, elle était d’abord utilisée en poésie sur le territoire chinois. La popularité de cette structure va se propager sur le continent jusqu’à atteindre le Japon vers le milieu du 16ème siècle. Ceci est à relever, car c’est bien par le nom japonais qu’elle va finir par être connue à l’international : le « kishoutenketsu ». Un nom qui explicite de manière limpide la structure qui en découle :
« ki » introduction,
« sho » développement,
« ten » complication,
« ketsu » conclusion
Malgré son appropriation, cette structure est toujours utilisée en Asie à travers des pays comme la Chine, la Corée du Sud et, bien entendu, le Japon, et ce sous de nombreux formats. En exemple, on peut penser aux animes et aux mangas, mais également aux films japonais comme Kiki la Petite Sorcière. Cette structure est aussi employée en musique, avec Love Yourself du groupe sud-coréen BTS, et dans les jeux vidéo avec des jeux japonais comme Super Mario Galaxy ou Super Mario 3D World. Elle est si versatile qu’elle est même utilisée dans des essais, des dissertations et des travaux scientifiques.
Au Japon, cette structure est tout simplement devenue une norme et il est peu probable que des gens du milieu ne la connaissent pas ; au grand dam des Occidentaux qui viennent travailler au Japon avec uniquement comme bagage la structure en 3 actes. On le constate, contrairement à ce que certains aimeraient faire croire, la structure en 3 actes n’a rien « de naturel » ou « d’universel ».
En plus de cela, cette forme de structure en 4 actes donne également un autre coup de pied à « l’universalité » de l’écriture occidentale : les conflits sont optionnels. Ce fait peut être perçu comme une telle aberration qu’il n’est pas rare de voir des Occidentaux dénigrer une oeuvre asiatique dénuée de conflits. Or, j’espère l’avoir fait comprendre à travers cette section de l’article : c’est bien un clash culturel et une approche différente de la fiction qui a lieu ici.
D’un point de vue critique, c’est très intéressant, puisque cela rappelle qu’il est toujours nécessaire de prendre du recul par rapport à une oeuvre et de ne pas appliquer aveuglement une grille de lecture. D’un point de vue scénaristique, cela rappelle qu’il est toujours possible de sortir des carcans occidentaux et qu’ils sont loin d’être aussi « obligatoires » et « universels » que certains aimeraient prétendre.
2. La structure en 4 actes et ses rapports avec la série cyclique
On devrait tous le savoir : un film et une série ne sont pas structurés de la même manière. Et c’est d’autant plus vrai que les séries étaient autrefois obligées de se conformer aux nécessités publicitaires de la chaîne sur laquelle elles allaient être diffusées. Si on pouvait jadis espérer une unique publicité interrompant un épisode – ce qui encouragerait une structure en 2 actes – les pubs sont devenues plus courantes au fil du temps. Cela a amené à une restructuration des séries, notamment des séries cycliques comme Star Trek ou Dr House, qui ont commencé à instaurer plusieurs microclausures par épisode. Ces microclausures permettent de couper les épisodes de manière moins brutale.
Aujourd’hui, ce type spécifique de structure en 4 actes tend peu à peu à s’effacer devant les nouveaux modes de consommation offerts par Netflix, et ses petits frères, où les publicités ne coupent plus un épisode plusieurs fois durant son visionnage. Et il y a une grande chance que les séries, même cycliques, soient de plus en plus affectées par ce bouleversement.
Néanmoins, si vous êtes intéressé par l’utilisation d’une structure de série cyclique, voici un exemple-type :
Acte 1 : Introduction du monde et de ses personnages ; situation initiale
Acte 2 : Personnages font face au premier conflit et cherche une façon de le résoudre ; bouleversement mineur
Acte 3 : Conflit se complique, généralement parce que les personnages se rendent compte que le conflit est plus complexe qu’imaginé ou parce que la première solution a empiré les choses ; tout semble perdu
Acte 4 : Personnages trouvent une solution ; nouvelle situation qui tire parti des actes précédents
3. La structure en 4 actes et ses rapports avec la structure en 2 actes
Cette partie est très facile à comprendre : la structure en 4 actes peut être utilisée afin de prolonger la structure en 2 actes. En effet, avec quatre actes, il est possible de construire une structure en miroir, voire en miroirs. D’ailleurs, il existe plusieurs possibilités en fonction du type de récit que vous souhaitez rédiger :
Acte 1 et 2 VS Acte 3 et 4
ou
Acte 1 VS Acte 3 et Acte 2 VS Acte 4
ou
Acte 1 VS Acte 4 et Acte 2 VS Acte 3
Si vous souhaitez rédiger une histoire avec une structure en miroir plus complexe, ce type de structure en 4 actes peut être une bonne base.
4. La structure en 4 actes et ses rapports avec la structure en 3 actes
Nous en avions parlé dans l’article précédent, l’un des problèmes de la structure en 3 actes est que son deuxième acte est déséquilibré et qu’il est structurellement vide comparé aux autres actes. Aussi, il est de plus en plus courant de nos jours que des scénaristes confirmés ont pallié aux problèmes de ce deuxième acte en le scindant en deux. D’abord appelées acte 2 A et acte 2 B, ces deux parties ont graduellement mutées pour devenir chacune un acte à part entière, résultant sur une structure en 4 actes.
Ainsi, pour un scénario, on n’a plus 30 pages pour le premier et le dernier actes et 60 pour le deuxième, mais 30 pages pour chacun des actes. Cela rend la tâche non seulement plus digeste pour la personne qui écrit, mais aussi pour la ou les personnes qui s’en occupe(nt) après. Cela peut également permettre de tenir les délais plus facilement lorsqu’il y en a. Un exemple que l’on peut donner pour un scénario en 4 actes est celui-ci :
Acte 1 : 30 pages pour établir l’univers et ses personnages qui se terminent sur l’élément déclencheur et l’acceptation de la quête
Acte 2 : 30 pages qui vont mener jusqu’au conflit entre le ou les personnages principaux et le ou les alliés
Acte 3 : 30 pages qui vont mener jusqu’à la résolution du défaut majeur du protagoniste
Acte 4 : 30 pages qui contiennent la bataille finale et la résolution
Aussi, si vous souhaitez rester au plus près de la structure en 3 actes tout en rendant votre travail plus digeste, je vous conseille ce type de structure.
5. Quelques types de structure qui se focalisent sur l’intrigue
En plus de ce que nous avons mentionné dans les paragraphes précédents, il existe encore d’autres manières de structurer 4 actes.
a) Par exemple, la structure en 4 actes peut être très utile si vous souhaitez rédiger une histoire horrifique :
Acte 1 : Monde a, le monde ordinaire que le protagoniste va quitter
Acte 2 : Monde b, l’autre monde, plus sombre, dont le protagoniste doit apprendre les règles
Acte 3 : Monde c, le royaume du mal où le protagoniste va apprendre comment vaincre le mal
Acte 4 : retour dans le monde b où le protagoniste va réussir à battre le mal
Bien entendu, ces mondes ne sont pas forcément physiques, ils peuvent être uniquement métaphoriques, et les actes et/ou les mondes peuvent être ou non en opposition les uns des autres.
b) D’ailleurs, de manière générale, la structure en 4 actes peut servir à établir l’avancée d’une intrigue dans n’importe quel genre :
Acte 1 : situation initiale, élément déclencheur, acceptation de la quête
Acte 2 : suit une stratégie qui semble fonctionner, mais se termine sur la réalisation, avec ou non un nouveau conflit, que cette stratégie ne peut pas fonctionner à long terme
Acte 3 : le début est une chute sans fin qui amène à la perte de tout espoir, révélation d’une nouvelle stratégie
Acte 4 : nouvelle stratégie et victoire
c) Autre exemple avec un prologue/épilogue :
Acte 1 : accroche, situation initiale, élément déclencheur
Acte 2 : premier conflit qui donne les premiers indices sur l’antagoniste, réaction et échec face à ce conflit
Acte 3 : nécessité de se remettre en question, second conflit, nécessité d’agir mais perte d’espoir qui empêche d’avancer
Acte 4 : se relever grâce à un dernier espoir, bataille finale, résolution, conséquences (épilogue)
d) Ou un autre exemple où on introduit la notion d’enjeux :
Acte 1 : situation initiale, élément déclencheur, enjeux
Acte 2 : premier plan, échec du plan, retour au point de départ
Acte 3 : essayer de se remettre de l’échec mais les choses empirent, les enjeux augmentent alors que tout semble perdu
Acte 4 : nouveau plan, résolution, équilibre restauré
e) Les structures peuvent également avoir des variantes, car n’oublions pas que ce sont avant tout des guides lors de la phase de rédaction. Aussi, il est possible de voir des structures légèrement différentes en fonction d’un auteur ou d’une oeuvre. À titre d’exemple, nous allons voir une dernière structure type et une variante possible :
Acte 1 : situation initiale, élément déclencheur, nouvelle normalité, point de non-retour
Acte 2 : contraste avec l’ancienne vie/l’ancien monde, élaboration de plans, échecs, première perte d’espoir
Acte 3 : nouveau plan, sacrifice, nouvel échec, perte de tout espoir
Acte 4 : prêt à mourir pour en finir, bataille finale, résolution, fin
Une variation de cette structure serait de modifier l’acte 2 et 3, l’acte 2 se terminerait sur l’échec du plan sur lequel tout le monde comptait, l’acte 3 démarrant avec la perte d’espoir totale. L’espoir ne parvient à revenir que grâce à un nouvel incident qui amène le personnage à trouver la solution. L’acte 4 reste inchangé dans ce cas-là.
f) Dans tous les exemples donnés jusqu’ici, la structure était assez simple et courte. Cependant, lorsque l’on n’a pas l’habitude d’écrire, tout cela peut sembler trop vague, aussi vais-je, pour terminer cette section de l’article, exposer un dernier exemple plus développé. Sa particularité est, d’en plus de posséder des actes, d’avoir une subdivision en 8 séquences et 24 points narratifs, soit 6 par actes :
Acte 1 :
Séquence 1 : 1. accroche, 2. situation initiale 3. élément déclencheur
Séquence 2 : 4. refus de la quête 5. premier conflit 6. première remise en question qui amène à accepter la quête et amène la question dramatique
Acte 2 :
Séquence 3 : 7. Sous-intrigue 8. à 9. libre en fonction des besoins de l’intrigue (développer l’univers, les personnages, les relations, etc. / instaurer de petits conflits, d’autres alliés, etc.)
Séquence 4 : 10. à 11. libre en fonction des besoins de l’intrigue (développer l’univers, les personnages, les relations, etc. / instaurer des petits conflits, d’autres alliés, etc.) 12. milieu de l’intrigue et désillusion
Acte 3 :
Séquence 5 : 13. résolution ou avancement de la sous-intrigue 14. dernier espoir perdu 15. disputes et séparations avec alliés
Séquence 6 : 16. avancer seul 17. chute continue 18. Au plus bas
Acte 4 :
Séquence 7 : 19. un espoir surgit, peut être lié à la résolution de la sous-intrigue 20. combat final 21. climax
Séquence 8 : 22. victoire/échec 23. conséquences 24. fin
6. Quelques types de structure qui se focalisent sur les personnages
a) Si les exemples ci-dessus étaient principalement focalisés sur l’élaboration des points d’un récit, les exemples suivants s’intéressent à l’évolution des personnages en suivant une ou des idées générales :
Acte 1 : déconnexion avec le monde où il vit
Acte 2 : déconstruction du personnage
Acte 3 : reconstruction du personnage
Acte 4 : reconnexion et unité avec le monde qui l’entoure
b) Une alternative peut être une division en fonction du type de stratégie employé par le personnage :
Acte 1 : stratégie habituelle
Acte 2 : nouvelle stratégie naïve
Acte 3 : stratégie réactionnaire face à l’échec de la stratégie naïve
Acte 4 : nouvelle stratégie acquise grâce à une nouvelle perspective
c) Si cela peut sembler un peu trop vague pour certains, une structure comme celle que je vais vous présenter sera peut-être plus abordable :
Acte 1 : introduction du personnage principal, de son défaut majeur, des circonstances expliquant son comportement, introduction de son antagoniste, élément déclencheur, acceptation de la quête
Acte 2 : réaction face au nouveau monde ou à la nouvelle vie, gagne ou non des alliés, établit un plan qui semble bon sur le moment mais échoue, confrontation avec les alliés ou les adjuvants, se rend compte de son défaut majeur qui l’empêche de réussir sa quête
Acte 3 : refus de se remettre en question, mais s’associe avec ses alliés ou ses adjuvants, préparation de la bataille finale qui est troublée par de nouveaux actes de l’antagonisme, l’échec semble certain, nécessité de reconnaître son défaut majeur et de le dépasser, transformation
Acte 4 : bataille finale, nouvel équilibre, fin
Comme on peut le voir à travers ces exemples, contrairement à la structure en 3 actes, la structure en 4 actes peut aussi bien correspondre à un récit où l’intrigue fait avancer l’histoire que pour un récit où le personnage fait avancer l’histoire.
Conclusion
Au final, la structure en 4 actes est une structure très flexible qui peut être adaptée lors de nombreuses circonstances. Et pour dire ! Je n’en ai pas complètement fait le tour.
J’aurais pu encore mentionner d’autres utilisations de la structure en 4 actes : par exemple, faire contraster l’acte 3 avec les deux actes précédents. Ou encore, m’attarder sur le fait que la structure en 4 actes est conseillée pour les histoires policières – ou des récits basés sur le mystère en général – puisqu’elle permet d’établir plusieurs découvertes de cadavres dans le récit à travers les différents actes.
J’aurais encore pu relever que parfois, restructurer un manuscrit en une structure en 4 actes peut révéler les faiblesses de ce dernier et d’aider à sa correction dans sa structure originelle.
Toutefois, l’article étant déjà assez long, je vais m’arrêter ici. Avec tous les exemples présentés dans l’article, vous avez déjà de quoi faire comme expérimentations en tout genre.
À bientôt !
N’hésitez pas à changer le nombre d’obstacles ou le nombre d’éléments déclencheurs ! À allonger ou raccourcir certains points selon vos besoins ! Ou encore à mélanger différentes structures !